Deux semaines en Equateur...

Et paf! Minuit pile et un nouveau tampon s'ajoute à nos passeports. Il y est écrit Ecuador! Ce n'est pas sans joie que je quitte mes cafards péruviens pour retrouver...leurs voisins...Au coeur de cette nuit noire et chaude, les insectes semblent lancés dans un concerto à mille pattes. Nous discernons déjà une végétation débordante de vitalité qui ne cessera, par ailleurs, de nous ravir tout au long de ce séjour équatorien. Notre enthousiasme déjà naissant, grandit quelques heures de bus ( et pas les moindres) plus tard à la découverte d'une charmante petite ville nommée Vilcabamba. Il est de coutume de dire que les gens d'ici ne vieillissent jamais...il faut avouer que le lieu est des plus apaisants. Adieu circulation, klaxons intempestifs, pollution!!! Nous posons nos lourds sac à dos au Rendez vous, hôtel tenu par un français. Son non-accent espagnol provoquera de bons fous rires. Imaginez chaque phrase espagnole prononcée à la française sans aucun effort d'accentuation. Une vraie caricature!!! Morgan a même cru reconnaître son père en notre charmant hôtelier, tellement l'accent était terrible... ( attention j'ai bien dit Morgan.. je ne me permettrais pas bien sûr...). Par contre, il faut admettre que ce français déraciné a l'art et la manière d'accueillir ses clients. L'endroit est tout simplement magnifique et astucieux pour les voyageurs. Notre chambre donne sur un petit jardin exotique aux mille couleurs, les colibris volent tranquillement de fleurs en fleurs... Un vrai délice que de séjourner là... et ne parlons pas des petits déjeuners j'en salive encore...

Bref, passons aux choses sérieuses, le lendemain de notre arrivée nous partons à l'aventure dans les alentours afin de découvrir une cascade cachée dans un champ de canne à sucre.

Nous improvisons un pique-nique à ses pieds et sous la pluie... qui persiste d'ailleurs tout le retour! Aaaah, comme c'est agréable d'avoir toutes ses affaires trempées dans le sac... On repart le jour suivant en bus et il faut avouer que les transports ici sont plutôt ... douloureux! Pendant ces heures interminables, nous réalisons que notre programme, si propre sur le papier, est bien trop conséquent par rapport au peu de temps qu'il nous reste. Ce n'est pas sans un pincement au coeur que mon super héros abandonne une fois de plus l'idée de faire cette fameuse ascension à 6000m... On essaye, toutefois, de garder le meilleur et c'est difficile dans ce pays qui est un vrai petit joyau de splendeurs... Après ce voyage de nuit éreintant, nous arrivons à Saquisili où se tient le jeudi un marché... Il est six heures du mat'... non non on a pas de stand à installer... les vendeurs ne sont même pas encore tous arrivés... Au fur et à mesure, nous découvrons un immense marché éparpillé aux quatre coins du village... Marché aux chapeaux près de l'église, marché aux légumes sur le terrain de basket, marché aux viandes dans les rues avoisinantes, marché aux animaux un peu plus excentré, artisanat et bric à brac...

Malgré nos yeux quelques peu endormis, les milles couleurs et odeurs nous ravissent. Nous filons, ensuite, vers Quito, capitale de l'Equateur. Installation dans un super hôtel où nous pouvons faire la cuisine!!! Cool, on fait les courses et tout et tout, un peu comme vous quoi...ah c'est bon aussi la vraie vie... enfin quelques jours seulement, il ne faut pas exagérer quand même! On visite donc la ville moderne et ses nombreux magasins où le repérage est le maître mot! Un nouveau colis devrait partir d'ici peu... Malgré la pluie si coutumière au pays, la première partie de la ville est agréable. Nous visiterons le Quito ancien, dit colonial, à la fin de notre voyage équatorien. Samedi matin, nous partons pour le marché d'Otavalo à deux heures de Quito. On est un peu déçu et puis la pluie ( et oui toujours elle) nous gâche le plaisir. De plus, ce petit détour nous vaut une course folle dans le terminal de bus de Quito pour avoir le dernier car pour Téna!!! On y arrive quand même dans la soirée et la température est montée d'un seul coup! Drôle d'impression... Nous faisons, alors, la connaissance de Cesar auprès duquel nous avions reservé un tour dans la forêt amazonienne dans une communauté quichwa qui porte le nom d'Alukus. Dans cette agence, ce sont les populations indigènes elles-mêmes qui sont venues vers le tourisme. Il n'y pas d'intermédiaire étranger et l'argent revient directement aux communautés. Ce qui pour nous paraissait très important car on prend conscience au cours de notre voyage des effets pervers que peut avoir le tourisme dit "équitable". Le fait d'aller chercher en pirogue au fin fond de l'amazonie des communautés qui vivaient très bien sans nous ne nous séduit pas plus que ça. Pas de pirogue donc, mais un pick-up pour s'éloigner de la ville et s'enfoncer dans la forêt! Nous partons, donc, avec Nelson et Sisa-Carmen (une petite de neuf ans) qui appartiennent à notre future petite famille. Bon si on fait les calculs avec le chauffeur, nous sommes cinq... hum hum prenons au passage le reste de la famille: 1,2,3,4,5,6,7.... sincèrement on ne peut même pas compter...tous à l'arrière en plein air et s'accrochant en cas de secousses... Il y a juste une mamie qui est venue a côté de moi... tiens d'ailleurs c'est bizarre... qu'est-ce qu'elle cache dans sa main la mamie???...Ah bah oui! Un vieux couteau planqué dans les plis de sa jupe, rien de plus normal! Tout d'un coup je me demande ce qu'on fout là...je vais rapidement m'y faire puisqu'en y réfléchissant bien, ce sera rare de ne pas voir un homme ou une femme avec une machette à la main!!! Et ce n'est pas du folklore! On découvre l'endroit où nous allons passer cinq jours. Des cabanes qui donnent sur le Rio blanco qui est plutôt negro d'ailleurs...

Bon pour rassurer certains... cet espace est prévu pour les touristes donc il y a ce qu'il faut pour survivre! Notamment une moustiquaire très utile vue la férocité des moustiques dans le coin. Non, vraiment, c'est sympa, de notre lit on est en direct pour les passages nocturnes des chauve-souris... bah oui! Elles s'abritent sous notre toit! Et puis, il y a les poules et les coqs sous la cabane aussi, franchement on est bien entouré! Bon je vous l'accorde les nuits furent un peu difficiles mais il faut ce qu'il faut!
Et puis la simplicité et la gentillesse de la communauté feront le reste! Bon que je vous la présente même si je ne me rappelle pas de tous les noms...voici les principaux: Samuel, notre guide de trente cinq ans, Holga la cuisinière qui nous fera de bons petits plats à base essentiellement de yuca, bananes et riz, les enfants et là il y en a toute une tripotée... mais on retient surtout Sisa-Carmen la plus douce et qui n'essayera pas de nous piquer en douce nos jeux de cartes... enfin Nelson et sa femme qui nous apprendront beaucoup également! Tiens, au passage, au sujet des enfants... tous les matins, c`est au choix en fonction de l´âge: trente minutes ou deux heures de marche à pied pour aller à l´école !
Bien souvent revêtus de nos ponchos décahtlon ( publicité pour ma petite mait..) et de grandes bottes, chaque jour nous nous enfonçons dans la forêt.

Samuel, à la mode amazonienne, se sert juste d'une grande feuille comme parapluie. Avec sa machette, il nous fraye le chemin tout en nous apprenant les vertus des plantes médicinales. D'ailleurs, Morgan testera l'une d'elle pour cicatriser une plaie au pied. Il s'agit d'un arbre appelé "sang de dragon" (tout un programme) et dont la particularité est d'avoir de la sève rouge. En appliquant celle-ci sur la peau, elle devient blanche comme de la pommade! Bon nous on attend toujours le miracle!!! En fait, la forêt, c'est une pharmacie géante et à moindre coût! Dans cette végétation exubérante, nous faisons la connaissance, également, d'insectes qui ont la classe comme dirait Morgan... Il faut dire qu'avec leurs couleurs fluos ou leurs formes improbables, ils attirent forcément l'oeil... ou l'objectif pour certains...

Des phasmes, des papillons, des libellules et tant d'autres dont nous ne connaissons pas les noms! Nous voyons, par contre, peu d'animaux... Samuel essaye d'appeler souvent les singes mais même si c'est une personne adorable, on a pas trop cru à son vieux cri là... "Ils sont fatigués..." mouais! Ah si! Morgan manque mettre la main sur un petit serpent qui s'avère être l'un des plus dangereux du coin... c'est le premier jour tout va bien! Heureusement, un peu plus tard, nous aurons un maquillage "spécial" afin de nous protéger des animaux dangereux.


Ouf, on est sauvé! Quoi vous n'êtes pas convaincus...? pfff vous êtes pas drôles! Et le plus charmant c'est que chaque randonnée à sa petite cascade cachée...on est heureux comme tout, et puis on est quand même dans la forêt amazonienne avec des liannes, des moustiques, et une ambiance particulière, ce n'est pas rien!!!

De retour aux cabanes on apprend à faire de la chicha, cette fois, à base de yuca. Certaines communautés continuent le rituel des anciens: mastiquer le Yuca au lieu de malaxer avec les mains... apparemment avec la salive c'est mieux! Déjà, que c'est un peu difficile d'ingurgiter leur boisson... On se lance, également, dans l'artisanat local qui va de pièges pour poissons en fibres végétales aux bijoux à l'aide de graines de la forêt.
Nous partons aussi chercher de l'or... et je le répète ce n'est pas du folklore, la femme de Samuel part trois fois dans le mois au fleuve pour trouver de l'or et le revendre ensuite en ville. Ce petit complément peut leur rapporter jusqu'a trente dollars pour quelques grammes. Une question vous taraude je le sens bien... bah oui bien sûr qu'on en a trouvé, on est des champions nous... bon il faut une loupe pour le voir mais ça revient à trois dollars.


Nous assistons,également, au coeur de la nuit et à l'aide d'une bougie à différentes danses quichwas. Ce qui est l'occasion pour nous d'en apprendre plus sur les us et coutumes de cette tribu.
Par exemple, une demande en mariage ici est bien plus compliquée qu'en France... l'homme et sa famille doivent passer à genoux et sans pantalon c'est important, histoire qu'il s'esquinte un peu la peau ( il y a le sang de dragon c'est pas grave), devant toute la famille de la fiancée et on dit bien TOUTE la famille!!! Ça peut durer de 8h du matin jusqu'à 20h... et attention ce n'est que la première étape...il me semble qu'il y en a cinq en tout... quoi de plus normal finalement non??
C'est difficile de citer toutes les choses intéressantes de ce séjour... c'est une expérience tellement enrichissante. Le simple fait d'écouter notre guide parler de sa culture le soir autour d'une bougie est un moment unique. Mais, il y a une chose que nous nous devons de vous faire partager. C'est un moment fort et je pense innoubliable. Le troisième soir, sous notre demande, nous assistons à une cérémonie de Shaman... Bon au départ, on est un peu déçu par son look beaucoup plus moderne que dans notre imaginaire... Un shaman en treillis et rangers c'est moins drôle qu'avec des peintures de guerre et des plumes... et puis il a l'air un peu défoncé aussi le petit père... Nous participons à une cérémonie classique destinée à chasser les mauvais esprits de notre corps. Beau programme! Le Shaman doit d'abord avaler une petite potion magique (concoction à base d'une plante), beaucoup d'alcool de canne à sucre et des cigarettes. Au bout de vingt cinq minutes, il devient Shaman et rentre en transe. Avec un éventail fabriqué à l'aide de feuilles, il commence le travail de purification sur Samuel avec un sifflement très particulier... Je sais pas pourquoi mais j'en vois plus d'un qui rigolent là... Je me suis demandée si je n'allais pas pouffer de rire non plus mais franchement ce n´était peut-être pas le moment adéquat... et puis vient mon tour d'être purifiée et il y a du boulot!!! Après un bon quart d'heure de coups d'éventail sur la tête, le Shaman produit de drôles de bruit avec sa bouche... sorte de raclement... alors il s'approche de moi et semble comme cracher sur mon crâne... puis aspirer, ensuite, tout le mal qu'il y a en moi...oui j'en conviens c'est charmant... c'est à dire qu'à ce moment là, il faut faire abstraction de beaucoup de choses... Ensuite il m'annonce qu'il n'y a plus de mal en moi et qu'il m'a donné de la bonne chance pour la vie, pour mon couple. Je suis ravie! Ou presque. Le Shaman se reprend quelques rincette de gnôle afin d'exécuter le même sort à Morgan. Les cérémonies de purification étant terminées pour nous trois, le Shaman se penche maintenant sur le dos de notre guide qui souffre un peu. Et c'est reparti pour des crachas...des sifflements...des cigarettes...des aspirations...Vingt minutes plus tard, le soin terminé, nous partons nous coucher avec nos amis les Batmans comme ils disent ici... Que dire de tout ça??? C'est étrange, un brin excitant, dégoûtant, surprenant, enrichissant! On ne pouvait pas passer à côté de cela... pour les plus sceptiques, je vous assure il faut le vivre! C'est un peu des moments comme ça que nous sommes aussi venus chercher durant toute cette année...
Le séjour se termine et nous avons en poche quelques mots quichwas comme: Ali tuta, Pagarachu... Qu'est ce que ça veut dire? Tiens, faites donc des recherches un peu, on ne va pas vous donner tout...tout cuit quand même!
Malheureusement, ce dialecte risque très vite de s'éteindre car la nouvelle génération apprend d'abord l'espagnol et seulement après le quichwa et seulement si les parents sont motivés...
Enfin, triste réalité quand tu nous rattrappes, nous nous rendons compte que les indigènes sont très curieux au sujet de l'argent. Les questions telles que combien tu gagnes? combien coûte ton appareil photo? à combien revient votre voyage? ne cesse d´être posées... C'est difficile de ne pas donner une fausse image. On passe évidemment pour des millionaires à qui on peut soutirer beaucoup d'argent. Et on ne peut pas leur dire non plus qu'en France on ne roule pas sur l'or. C'est délicat et il faut essayer d'être le plus clair possible. La communauté découvre tout juste le tourisme (on était les premiers à rester aussi longtemps chez eux) et dans quelques temps elle maîtrisera toutes les ficelles du métier... On ne peut pas franchement leur en vouloir... mais c'est dommage de perdre ces rapports sains et francs que nous avons entretenus pendant cinq jours.



A très bientôt pour la suite et fin de l'Equateur.
Charlotte