D' une ile...

Aeroport d Hanga Roa, a Rapa Nui, dimanche 21 decembre 12h47... Autour de nous, les voyageurs en partance se montrent deja un brin nostalgique. Derniers achats, derniers aurevoirs et en guise de passeport un joli collier de coquillages autour du cou... Nous nous appretons, habilles du meme air, a rejoindre les airs pour de nombreuses heures... des souvenirs plein la tete pour nous tenir compagnie. Ile de Paques... ile enchanteresse... ile de mysteres. Retour en arriere, cinq jours plus tot...
"Tu crois que l'aeroport c est la petite cabane entouree de palmiers la bas?". Nos premiers pas sur le tarmac laissent presager une ambiance plus que decontractee. Un petit collier de fleurs en signe de bienvenue, juste le temps de recuperer nos sacs renifles par le chien de service et c'est parti! Heu... non... d'abord il faut enlever toute la bave gluante sur le nez de Chiquito qui semble ne pas avoir apprecier la lechouille canine... Les deux premiers jours, nos petites jambes, toujours au rendez-vous, nous menent dans de bien jolis endroits. La decouverte du site d'Orongo, apres une bonne heure de montee, sous un soleil de plomb,nous laisse sans voix! Nos yeux tombent directement au fond d' un immense cratere, chatouilles par les douces couleurs de la caldera. Camaieu de verts, jaunes, bleus...



Pour parfaire a ce tableau, le site offre vue sur mer... quoi la mer??? Non c'est pas possible ca... Y aurait pas une petite montagne derriere par hasard?? Et non! Je l attendais depuis plusieurs mois et la voila! Le sourire aux levres, on se dirige a quelques pas de la sur le site archeologique datant de la civilisation de l'homme-oiseau. Apres avoir epuises toutes les ressources naturelles, les habitants s'etaient tournes vers une autre religion... adieu les Moais... Notre regard se penche intuitivement sur un petit ilot en face. Entoure d une mer cristalline, il renferme une bien jolie histoire. Chaque annee, les chefs des differentes tribus attendaient du haut d'Orongo l'arrivee du premier oeuf d'un sterne sur l'ilot. Celui qui le ramenait intact, apres un aller-retour a la nage, etait dote de certains pouvoirs decisionnels vis a vis des dieux pendant un an. Chiquito aurait bien attendu son oeuf... mais on a prefere aller voir le village. La visite est... assez rapide! Pas grand chose a faire mais on sent la serenite totale de la population... Pour vous dire, n'ayant pas la monnaie pour internet, la femme nous laisse partir en nous disant de repasser pour payer dans la journee... tranquille quoi... Ici la mode c'est pareo et fleur dans les cheveux... Heu??? vous etes surs que c est bien le Chili ici? En fait, ce qui retient le plus notre attention dans le village, c'est le port, ce n est pas pour les trois barcas ammarees, mais pour de jolies carapaces qui se confondent dans l'eau avec les rochers... Des tortues de mer! Je n'en ai jamais vues... elles m'ont toujours fascinee et au regard de Morgan, je comprends qu'il en est de meme... Apres cette sequence emotion, nous partons a la rencontre de nos premiers Moais. Les voila enfin ces geants de l'ile de Paques. Cinq statues, plus ou moins abimees par le temps, placees sur un ahu, nous font face. Nous si petits et elles si grandes... imposant le respect. Les presentations etant faites, nous sommes prets pour decouvrir les autres... et a notre grand etonnement, l'ile en est truffee. On ne devrait pas s' ennuyer. On troque la marche a pied contre un petit scooter. Meilleur facon d'apprecier cette terre aux mille mysteres; s'arreter quand on veut, sentir le vent dans les cheveux, etre leger, leger... Les premiers Moais rencontres suscitent bien des interrogations. Ils sont pour la plupart couches face contre terre, comme abandonnes! Pourquoi les abandonne-t-on comme cela? On les laisse se delabrer, c'est au patrimoine de l'UNESCO quand meme! "T as vu leurs chapeaux rouges ont roule jusque la c'est triste....". C'est qu'on aurait presque la larmichette a l'oeil.



On imagine deja ces affreux colons qui aurait tout detruit en arrivant la ou d'eventuelles guerres entre tribus. Beaucoup de questions... que des suppositions... nous aurons quelques reponses plus tard d'une maniere assez insolite, mais chut...
Il y a un endroit tres particulier sur Rapa Nui, mais comment expliquer toute la magie qui en emane? Juches sur une colline, une multitude de Moais semblent vivre la le plus tranquillement du monde. Gigantesques compares a ceux qui longent la cote, leur corps est enterre. Parfois on ne voit que la tete qui n'est d'ailleurs pas coiffee d'un chapeau. Leur position a-t-elle une signification? Morgan, en penetrant sur le site, a le sentiment que les hommes ont du subitemment interrompre leur travail dessus. Pour qui? Pour quoi? Comme un grand chantier abandonne, oublie, ou le temps se serait arrete.



Pour ma part je me suis laissee envelopper par la magie du lieu... Un petit retour en enfance, j'imagine des passages secrets, une pierre magique qui reveillerait ces geants. Peut-etre qu en s'approchant d un peu plus pres on entendrait leur murmure...



Chiquito, quant a lui, affute son piolet dans l'idee de les escalader... il va falloir penser a lui confisquer. Cette carriere envoutante nous rappelera trois fois dans notre sejour. Au lever et coucher du soleil, les statues delivrent encore plus de secrets...
Derriere cet endroit fabuleux, un autre site magnifique nous attend, tant de bonheur si concentre ne devrait pas etre permis... En empruntant un petit chemin de terre, on arrive sur un grand lac. La lumiere joue avec les couleurs en presence en les sublimant. Sur une terre presaue rouge, une horde de chevaux jouissent de leur totale liberte. Petits bains dans le lac, ils en profitent pour brouter la tortora. De jeunes poulains tout juste nes s elancent dans leurs premiers galops sous le regard sage de quelques Moais oublies dans la montagne... pffff encore le souffle coupe...





Coupe quelques minutes plus tard sur un autre site a la vue de quinze Moais alignes devant une mer turquoise...



On est d'accord tous les trois sur deux choses: cette ile est vraiment speciale et il est l'heure de se... baigner! Sous cette chaleur ecrasante, plonger dans l'eau transparente ne devrait pas etre trop difficile. Allez on vous le dit quand meme si ca fait mal: on jubile d etre la un 18 decembre. Le cadre est idyllique: palmiers et Moais derriere nous et devant l'horizon a perte de vue. Rappelons quand meme que nous sommes sur l ile habitee la plus eloignee d un continent... pas un bout de terre...
Les jours suivants, nous ne pouvons resister de revenir sur certains lieux en cherchant tout de meme quelques moais caches. Celui a deux tetes nous vaudra d'ailleurs une belle rencontre. Affubles de toute la panoplie de touristes decontractes ( lunettes, tongues et maillot de bain), on cherche desesperement cette statue unique. Morgan, la casquette a l'envers, s'avance devant un groupe qui semble francais et demande : " Y a pas un Moai a deux tetes dans le coin ?". Et la, un homme d'une cinquantaine d'annee, nous raconte d'une voix claire et savante toute l'histoire de ce moai. On comprend assez vite qu'il est LE specialiste francais de l'ile de paques. Archeologue, il travaille depuis neuf ans sur l'ile. Et nous on se pointe la fleur au fusil avec notre question... Les jeunes autour de nous sont des etudiants et munis de leur camera, ils decident de filmer notre conversation... on espere qu'elle ne sera vue que dans des cours d'archeologie! Bref, cet homme fascinant et avec qui on pourrait passer des heures nous explique que les Moais couches, qui nous ont fait tellement de peine, sont utilises comme une sorte de necropole pour les ancetres. Les colosses ont ete deposes , en realite, sur des roches et par certains endroits, on peut decouvrir l'entree du tombeau. C'etait donc une habitude des habitants, rien de dramatique comme on l'envisageait. On aurait aime garder cet archeologue( aux allures de Sean Connery, dans Indiana Jones) toute la journee mais malheureusement le travail l'appelait... On apprendra plus tard, egalement, qu'il y a encore un nombre indefini de sites sur cette ile et qu on a bien du chatouiller le dos de certains Moais sans faire expres...
Vous comprendrez, donc, ce petit air nostalgique au moment de partir de cette ile envoutante et mysterieuse. Elle gardera indeniablement une jolie empreinte dans nos esprits.
A l'heure ou je termine ce texte, sur mon petit cahier de brouillon, nous sommes deja dans un autre avion pour les Fiji... via Auckland. Le continent sud-americain s'eloigne petit a petit. C'est comme si on quittait une personne d'une richesse inouie... qui nous aurait appris une nouvelle langue, immergee dans des cultures tres contrastees et charmes par ses paysages grandioses. Nous refermons dans une petite cage doree de notre memoire tous ces jolis noms: Bresil, Argentine, Bolivie, Perou, Equateur, Chili... On l'ouvrira sans doute tout au long de notre vie pour laisser s'echapper nos souvenirs...